jeudi 19 avril 2012

Les porte-bonheur

Les porte-bonheur



L’histoire de porte-bonheur belliqueux…
Un fervent superstitieux collectionne les porte-bonheur, histoire d’être bien protégé des coups du sort.
Sauf que fer à cheval, trèfle à quatre feuilles, et muguet, se livrent une concurrence sans merci… et mettent la maison à feu et à sac !

Il était une fois une maison qui souhaitait se doter de tous les porte-bonheur possibles et inimaginables. Elle se dota d'abord d'un beau fer à cheval qu'elle plaça au-dessus de la porte d'entrée.
-« Voilà, ici il montera la garde et neutralisera toutes les mauvaises ondes des gens mal intentionnés qui pourraient entrer… »
Mais, comme elle voulait avoir des effets heureux aussi à l'extérieur, elle fouilla son jardin à la recherche d'un trèfle à quatre feuilles. Fichtre ! C'était compliqué à trouver ! Elle avait ratiboisé tous les trèfles du coin, et toujours pas de quatre feuilles.
Cela signifierait-il que son jardin serait voué au malheur ? Oh, misère ! Ne pensons pas à une chose pareille, cela pourrait amener la poisse ! Hardiment, elle poursuivit sa tâche prête à retourner tout le jardin, et même ses à côtés, à la recherche de la plante porte-bonheur.
Enfin ! Elle en trouva un ! Ah, ce n'était pas le plus beau, loin de là ! Quatre feuilles petites et rabougries, sur une frêle tige jaunâtre.
Il n'avait pas l'air frais, mais qu'à cela ne tienne, le compte était bon ! C'était l'important, ce qui allait sauver son jardin ! Et renforcer sans doute aussi, son bonheur intérieur de maison.
Vite, elle le cueillit, et le posa entre des journaux, histoire de le placer dans son herbier à bonheur.
Ouf ! Comme on se sentait mieux, ainsi dotée ! La maison se décontracta : son toit s'aplatit légèrement et les murs s'arrondirent un tantinet. A l'intérieur, le fer à cheval considéra le trèfle d'un mauvais œil.
-« Alors c'est toi qui porterais bonheur au jardin... J'ai du mal à te croire, à te voir si maigrichon et pâlot ! »
-« Parce que toi, tu te trouves peut-être mieux, ainsi tout rouillé au-dessus de ta porte ? » répondit le trèfle, du tac au tac.
-« Non mais dis donc ! Je ne te permets de critiquer ma rouille ! Figure-toi qu'elle est authentique et de super qualité : une vraie rouille orange qui tâche. Du bonheur à l'état pur ! »
-« Mouais, bof ! De la rouille qui annonce des trous prochains. Un fer à cheval percé ... Pffft ! Tu vas me raconter que c'était les emplacements à clous peut-être… »
Alors là, ça sentait le roussi entre le fer à cheval et le trèfle ! Ah, pour émettre des ondes, ça dégageait ! Mais pas des positives, ni des protectrices. Là, c'était plus des hargneuses des bagarreuses.
D'ailleurs, le fer à cheval s'était exceptionnellement décroché de sa place, pour aller donner une leçon à cet impertinent de trèfle rachitique. Celui-ci esquivait les coups que voulait lui assener le fer.
Uppercut à droite, coup de patte à gauche, mini ruade sur le côté ! Le trèfle s'effaçait à chaque fois au moment où portaient les coups... ! Et le pauvre fer à cheval, emporté par son élan, finissait toujours dans le décor. Et un miroir brisé, et une vitre cassée et un vase détruit ! A chaque coup manqué, le trèfle y allait de sa raillerie, ce qui énervait encore plus le fer à cheval.
Soudain, toc-toc-toc, la maison revenait vers elle. Tiens, mais qu'avait-elle, là, qui se présentait ?
-« Voici un joli brin de muguet du ler mai ! Un spécial porte-bonheur pour une maison sympathique... »
-« Hein, quoi ? Ca, une maison sympathique, vous rigolez ? » s'exclama le brin de muguet.
Horrifiée, la maison découvrit les dégâts ! Ciel ! Mais que s'était-il donc passé ? Un ouragan, une bombe, un séisme ? La maison découvrit son fer à cheval à terre, et, dans un coin, son cher trèfle à quatre feuilles tout froissé...
Ce n'était pas possible... On avait osé toucher à ses porte-bonheur! Mais alors, qui allait pouvoir la protéger maintenant du malheur ?
-« Bou ouh ouh ! » sanglota la maison, en arrosant ses murs de larmes, « c'en est fini de moi ! Je suis toute seule... Snif ! »
En reniflant et en voulant se moucher dans les rideaux, elle découvrit le brin de muguet avec lequel elle était arrivée, quelques instants auparavant.
-« Ah, mais tu es là, toi ! Oh, mais alors, tu vas pouvoir me sauver ! Comme je suis heureuse que tu sois là, pour le 1er mai ! Viens, je vais t'installer dans un joli vase... Ah non ! Celui-là est cassé, mais, il y en a un qui devrait bien t'aller ... »
La maison rangea soigneusement les dégâts, remit le fer à cheval à sa place, le trèfle parmi ses journaux, et le muguet dans un vase rescapé.
La cohabitation à trois porte-bonheur serait-elle meilleure ? Rien n'était moins sûr, car le muguet qui agitait ses clochettes, irritait les tympans du fer à cheval et agaçait copieusement le trèfle...
Aïe aïe aïe ! Pas fini d'avoir du rififi dans cette maison.

                                            Valérie Bonenfant

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