vendredi 27 avril 2012

Un pauvre

Un jour, je vis s'asseoir au pied de ce grand arbre
Un pauvre qui posa sur vieux banc de marbre
Son sac et son chapeau, s'empressa d'achever
Un morceau de pain noir, puis se mit à rêver.
Il paraissait chercher dans les longues allées
Quelqu'un pour écouter ses chansons désolées;
Il suivait à regret la trace des passents
Rares et qui pressés s'en allaient en tous sens.
Avec eux s'enfuyait l'aumône disparure,
Prix douteux d'un lit dur en quelque étroire rue
Et d'un amer souper dans logis malsain.
Cependant il tirait lentement de son sein,
Comme se préparait au martyre un apôtre,
Les trois parts d'une flûte et liait l'une à l'autre,
Essayait l'embouchure à son menton tremlblant,
faisait mouvoir la clef, l'épurait en soufflant,
Sur ses genoux ployés frottait le bois d'ébène,
Puis jouait._ Mais son front en vain gonflait sa veine.
Personne autour de lui pour entendre et juger
L'humble acteur d'un public ingrat et passager...


                                                                     Alfred De Vigny

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