Jamais les compagnes
voisines de la mer n’avaient été si gracieuses qu’en ce commencement d’automne.
Des ondées légères avaient rafraîchi les plantes brûlées par l’été torride. Tout
un printemps hâtif s’épandait sur les collines, ruisselait dans les plaines. Une
sève regorgeant gonflait les lourdes feuilles des cactus, imbibées comme des
éponges et pesantes comme des disques. Les vignes vendangées se paraient de
jeunes pampres et le vert laiteux des nouvelles pousses se mêlait aux ors des
feuilles mortes.
Dans les jardins de la villa, c’était un
réveil de toutes les fleurs accablés par le hâle des longs mois caniculaires. Les
géraniums arborescents cachaient les ventres des amphores, les volubilis se
nouaient aux membres mutilés des statues. Les roses ivres de soleil débordaient
dans les allées, effaçaient les plates-bandes. Le parc n’était plus qu’un grand
champ de roses, ou se fondaient toutes les teintes purpurines, depuis le pâle
incarnat des églantiers sauvages jusqu’au rouge sombre des roses de Bengale qui
éclataient comme une pluie de sang sous la noire verdure des pins.
On eût dit que le ciel lui-même se faisait
plus limpide et plus souriant…
L’horizon de la mer
était délivré des lourdes vapeurs qui, durant les matins, pesaient sur les eaux
comme la buée d’une chaudière. Un air plus subtil baignait les collines du
Sahel et par delà les montagnes lointaines, l’espace était d’un bleu de
turquoise, ou se traînaient de molles nuées blanches…
L’air était d’une douceur merveilleuse. Le soleil
déclinant embrassait les cimes du Zaccar. Toute la campagne baignait dans une
lumière d’ambre qui faisait resplendir les flancs des maigres collines. A travers
l’atmosphère extraordinairement pure, les branches déliées des pins en parasol,
les feuillages métalliques des oliviers se découpaient avec une grâce précise
au-dessus de la terre ocreuse et crevassée…
LUIS BERTRAND
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