lundi 30 avril 2012

L’AUTOMNE EN ALGERIE




     Jamais les compagnes voisines de la mer n’avaient été si gracieuses qu’en ce commencement d’automne. Des ondées légères avaient rafraîchi les plantes brûlées par l’été torride. Tout un printemps hâtif s’épandait sur les collines, ruisselait dans les plaines. Une sève regorgeant gonflait les lourdes feuilles des cactus, imbibées comme des éponges et pesantes comme des disques. Les vignes vendangées se paraient de jeunes pampres et le vert laiteux des nouvelles pousses se mêlait aux ors des feuilles mortes.
     Dans les jardins de la villa, c’était un réveil de toutes les fleurs accablés par le hâle des longs mois caniculaires. Les géraniums arborescents cachaient les ventres des amphores, les volubilis se nouaient aux membres mutilés des statues. Les roses ivres de soleil débordaient dans les allées, effaçaient les plates-bandes. Le parc n’était plus qu’un grand champ de roses, ou se fondaient toutes les teintes purpurines, depuis le pâle incarnat des églantiers sauvages jusqu’au rouge sombre des roses de Bengale qui éclataient comme une pluie de sang sous la noire verdure des pins.

    On eût dit que le ciel lui-même se faisait plus limpide et plus souriant…

     L’horizon de la mer était délivré des lourdes vapeurs qui, durant les matins, pesaient sur les eaux comme la buée d’une chaudière. Un air plus subtil baignait les collines du Sahel et par delà les montagnes lointaines, l’espace était d’un bleu de turquoise, ou se traînaient de molles nuées blanches…

      L’air était d’une douceur merveilleuse. Le soleil déclinant embrassait les cimes du Zaccar. Toute la campagne baignait dans une lumière d’ambre qui faisait resplendir les flancs des maigres collines. A travers l’atmosphère extraordinairement pure, les branches déliées des pins en parasol, les feuillages métalliques des oliviers se découpaient avec une grâce précise au-dessus de la terre ocreuse et crevassée…



                                                        LUIS BERTRAND   

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