samedi 28 avril 2012

Retour Des Ecoliers




      C’était un matin d’octobre. Un ciel tourmenté de gros nuages gris limitait l’horizon aux collines prochaines et rendait la campagne mélancolique. Les pruniers étaient nus, les pommiers étaient jaunes, large et lent d’abord, qui s’accentuait d’un seul coup comme un plongeon d’épervier dès que l’angle de la chute devenait moins obtus. L’air était humide et tiède. Des ondes de vent couraient par intervalles…
      L’été venait de finir et l’automne naissait.
      Il pouvait être huit heures du matin. Le soleil rôdait triste derrière les nues, et de l’angoisse, une angoisse imprécise et vague, pesait sur le village et sur la campagne.
      Les travaux des champs étaient achevés et, un à un, ou par petits groupes, depuis deux ou trois semaines, on voyait revenir à l’école les petits bergers à la peau tannée, bronzée de soleil, aux cheveux raides coupés ras à la tondeuse (la même qui servait pour les bœufs).
     Ce jour-là, ils traînaient le long des chemins et leurs pas semblaient alourdis de toute la mélancolie du temps, de la saison et du paysage.
     Quelques-uns cependant, les grands, étaient déjà dans la cour de l’école et discutaient avec animation. Le père Simon, le maître, sa calotte en arrière et ses lunettes sur le front, dominant les yeux, était installé devant la porte qui donnait sur la rue. Il surveillait l’entrée, gourmandant les traînards, et, au fur et à mesure de leur arrivée, les petits garçons soulevant leur casquette, passaient devant lui, traversaient le couloir et se répandaient dans la cour.
      Les deux Gibus du vernois et boulot, qui les avait rejoints en cours de route, n’avaient pas l’air d’être imprégnés de cette mélancolie douce qui rendait traînassant les pas de leurs camarades.
       Ils avaient au moins cinq minutes d’avance sur les autres jours et le père Simon, en les voyants arriver, tira précipitamment sa montre qu’il porta ensuite à son oreille pour s’assurer qu’elle marchait bien et qu’il n’avait point laissé passer l’heure réglementaire.

                                                                  LOUIS PERGAUD

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