samedi 28 avril 2012

La bulle




Bathylle, dans la cour où glousse la volaille
Sur l’écuelle penchée, souffle dans une paille
L’eau savonneuse mousse et bouillonne à grand bruit
Et déborde. L’enfant qui s’épuise sans fruit
Sent venir à sa bouche une âcreté saline.
Plus heureuse, une bulle à la fin se dessine
Et, conduite avec art, s’allonge, de distend
Et s’arrondit enfin en un globe éclatant.
L’enfant souffle toujours, elle s’accroît encore
Elle a les cent couleurs du prisme et de l’aurore
Et reflète aux parois se son mince cristal
Les arbres, la maison, la route et le cheval…
Prête à se détacher, merveilleuse, elle brille !
L’enfant retient son souffle, et voici qu’elle oscille
Et monte doucement, vert pâle et rose clair
Comme un frêle prodige étincelant dans l’air
Elle monte… Et soudain, l’âme encore éblouie
Bathylle cherche en vain sa gloire évanouie…
 
                             Albert SAMAIN

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