jeudi 19 avril 2012

Grégor le dromadaire

Grégor le dromadaire



Un conte où une petite chipie se découvre une grande affection pour un tendre dromadaire du désert.
Elle va même lui accorder une place de premier choix dans sa vie…

Grégor était un dromadaire du désert, un voyageur qui aimait suivre les grandes caravanes.
Un jour, il fut chargé d’une mission particulière : cette fois, pas de provisions à amener, pas de chargement à porter, juste une toute petite fille à accompagner avec son maître à l’oasis Bel’hem.
Cela faisait un bien long trajet pour un bout’chou de cette taille, et Grégor lui offrit spontanément son dos, pour qu’elle y monte. Mais, celle-ci réagit violemment :
-« Beurk ! Quel vilain animal, avec tous ces poils pas coiffés… Et puis, comme tu sens mauvais… Chez moi, il n’y a que des parfums de luxe ! Allez, relève-toi, tu es ridicule de te pencher comme ça… ! »
Grégor ne comprit pas le sens de ces propos, mais au timbre de voix de la petite fille, il sut qu’elle ne voulait pas monter tout de suite.
Le départ fut donné et, le dromadaire, son maître, et la fillette se mirent en route. Ils venaient à peine de partir que la petite se mit à ronchonner :
-« Quelle galère, ça va être ce voyage ! Avec ce clown à turban et son grand âne, je suis servie ! Finissons-en, et avançons plus vite… Allez les pépères, terminée l’allure mollassonne ! C’est que je suis pressée d’arriver, moi ! »
Et la chipie se mit à courir devant l’homme et Grégor, qui continuaient d’avancer d’un pas tranquille.
-« Mais vous allez vous bouger, oui ! Que vous êtes lents ! On n’arrivera jamais à cette vitesse-là… Allez, du nerf ! » cria la petite, d’un ton rageur.
Grégor et son maître se regardèrent, perplexes. Pourquoi donc cette petite voulait courir dans le désert ? Cela se voyait qu’elle n’avait pas l’habitude d’économiser ses forces ! Et, dans le désert, justement, tout n’était qu’économie !
Pauvre petite fille, toute essoufflée, rouge de chaleur, les jambes fatiguées, elle accusait le coup. Elle marchait néanmoins, en pleurant de rage.
-« Ah, si elle l’avait en face, celui qui avait décidé de l’envoyer à Bel’hem. Elle était si bien dans sa grande maison confortable… Alors qu’ici, c’était sale, et elle était entourée de ploucs. Il n’y avait qu’à voir ces deux-là. Ils étaient typiques de la misère des lieux… Ridicules, ils étaient ridicules… »
Mais bientôt, la marche lui devint insupportable. Elle avait vidé plusieurs bouteilles d’eau, et l’homme au turban avait dû la rationner. Comment avait-il osé ? Elle avait si soif.
Alors, quand Grégor, à nouveau s’inclina pour lui proposer son dos, la petite s’y installa. C’était mieux que rien ! Avec impatience, elle lui donna des coups de talon dans les flancs, pour qu’il avance plus vite.
Mais Grégor ne se laissa pas faire. D’un coup de fesses, il la fit sauter par-dessus sa bosse, et la petite se rattrapa de justesse au cou de l’animal.
-« Quel sale caractère, il a en plus ! Sale bête, va ! »
D’un coup de cou, Grégor renvoya l’enfant, bien positionnée derrière sa bosse. Puis, sans plus s’occuper de ce qu’elle disait ou faisait, il se remit en route. Son maître le suivit.
Ils marchèrent toute la nuit. La petite s’était endormie depuis longtemps.
Enfin, à l’aube, ils aperçurent l’oasis Bel’hem. Quel endroit magnifique ! Des palmiers, des fontaines, de jolies tentes colorées. Grégor se coucha pour se reposer un peu. La petite dormait toujours.
Dans son sommeil, elle bougea et roula contre lui. Elle vint se nicher entre son cou et ses pattes. Tous deux dormirent, serrés l’un contre l’autre, de longues heures.
Enfin, la fillette se réveilla. Où était-elle ? En tout cas, elle avait bien dormi, mieux que dans son lit aux draps de soie.
Là, c’était plus chaud, plus tendre, plus enveloppant. Elle regarda mieux sa couche et découvrit Grégor. Quoi ! C’était donc lui, son nid douillet ! Elle s’apprêtait à râler encore, mais finalement laissa tomber. Cette nuit avait été si douce… Pourquoi tout gâcher ?
Alors, elle contempla le dromadaire, s’approcha et le caressa.
-« Merci, gentil dromadaire. Tu es le meilleur des doudous ! J’ai été vilaine avec toi et je t’en demande pardon. Dis, tu veux bien rester avec moi ? »
La petite demanda alors qu’on fasse entrer Grégor dans son palais. On prépara des lits spéciaux, car la fillette entendait dormir toutes les nuits avec son doudou préféré.
Celui-ci s’y prêta volontiers. Mais vint le moment où son envie du désert fut la plus forte. Alors, il quitta sa chipie chérie, qui lui fit de gros bisous tendres, en lui recommandant de bien veiller sur lui, et de lui revenir bientôt.
Grégor lui lécha le visage, puis s’en alla avec son maître à turban, loin dans le désert. Il revint la voir à chacun de ses passages.
Et, même quand elle fut grande et mariée, elle garda toujours une place dans son lit à son doudou bien-aimé, n’en déplaise à son époux !


                                     Valérie Bonenfant
                         

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