Wonda, un jeune
Berbère, va attaquer la panthère qui rôde autour de son village.
Wonda huma le matin
plein de senteurs de thym, de menthe sauvage, de feuilles fraîches. Il allait,
à longs pas, écrasant du talon la terre en friche…
Brusquement, une tache bondit devant lui à
portée de pierre. En bas, un pâtre hurla de terreur et s’enfuit. Un remue-ménage
se fit parmi les moutons qui broutaient dans les diss. Un bélier, le front bas,
écorcha le sol de son sabot pointu et fit face.
Wonda, un petit
pincement au cœur, suivit du regard la tache qui progressait par sauts, comme
une balle de caoutchouc. La panthère. C’était elle. Il sauta, lui aussi, et fut
aussitôt entre les touffes d’où le fauve était sorti. Il rejeta son burnous…
Et, campé sur ses jambes, la main crispée sur sa matraque, il attendit…
La panthère avait
abattu le bélier d’un coup de griffe, tandis que les brebis, affolées, s’éparpillaient.
Un agneau, inquiet sur ses hautes pattes à peine ébauchées, bêla, appelant sa
mère… Il se cassa, disparut sous une masse brune. La formidable mâchoire du
félin claqua sur le dos fragile de l’enfant-bête.
L’agneau dans la
gueule, le fauve regagnait les fourrés d’un petit galop souple et mou, quand
Wonda surgit, face à lui. Il s’arrêta net la tête haute, magnifique, sans
lâcher sa proie, ses yeux de lune fixés sur l’homme. Du sang filait de ses
babines. Lentement la mâchoire se desserra : le petit cadavre tomba entre
les antérieurs épais et légèrement arqués… Le fauve bâilla de colère,
découvrant le jaune de ses crocs acérés. Le Berbère, hypnotisé par la terrible
tête aux yeux d’or-vert, se reprit à temps. La panthère chargeait, avec, dans
la gorge, le plein roulement de la fureur.
Ce qui suivit fut
rapide, bref, comme autant d’éclairs dans la tempête. Wonda se jeta de côté
frappant en même temps… L’homme et la bête s’observèrent quelques fractions de
seconde et le combat reprit, fait des bondissements du félin, de ses
rauquements et des sauts de côté du montagnard. Un instant, Wonda, courbé,
entrevit presque au dessus de lui, un ventre blanc. Son arme plongea jusqu’à la
garde.
Le Berbère haletait, couvert de sueur et de
sang. Il agissait sans penser, les yeux exorbités… Seule, la gueule monstrueuse
lui faisait peur. Comme la panthère rampait, étirée sur le sol, les babines
retroussées, il se baissa, vif, cueillit son large burnous et, du même geste le
lança sur la bête. Surprise, aveuglée, celle-ci fit un bond vertigineux. Et de
nouveau, Wonda frappa. Le poignard resta planté dans la gorge du grand chat,
qui se mit à sauter en rond, sur place, se dressant parfois debout, de toute sa
taille… Alors, il l’acheva à grands coups de bâton qui sonnaient mat-mat-ma…
D’ALCANTARA