vendredi 4 mai 2012

UN MODESTE REPAS



     Un Khammès entre dans la pièce. Il dépose à terre un plat et une boîte de fer-blanc qui contient de l’eau, et fait craquer une allumette. Il saisit à tâtons une rondelle de bougie, l’allume et la place sur une pierre.
BOUCHTA ouvre les yeux…
_ Bonsoir, Bismillah !
_ Bismillah !
     L’homme tend la boîte de fer-blanc et verse un peu d’eau sur les doigts de BOUCHTA, puis sur les siens. Ils posent le plat entre eux deux et ils se mettent à manger.
    C’est un reste de couscous venu de l’intérieur de la maison. La lueur de la bougie est faible, tremblotante, et éclaire le plat par en dessus. On ne distingue pas bien ce qu’il u a dedans. Le Khammès inspecte, au toucher, découvre un morceau de viande de mouton et le tend à BOUCHTA. Ils font d’abord de grosses boules de couscous, hâtivement, qu’ils posent dans leur grande bouche. Puis ils ne prennent plus la peine de rouler la boule. Ils poussent le couscous du pouce, sur leur langue qui sort, large, pour le recevoir. De temps en temps ils retirent un morceau de viande ou d’os. Ils mangent bruyamment en claquant des lèvres ou de la langue. Leur barbe se parsème de petits grains de semoule. Ils boivent, à tour de rôle, l’eau de la boîte de fer-blanc.
    Puis, lorsqu’ils l’ont récuré, ils tendent au-dessus du plat leur main droite et de la gauche, à petits coups, ils font tomber les grains. Alors, ils se lèchent les doigts…
    BOUCHTA se recule contre le mur, l’autre lui verse sur la main le peu d’eau qui reste. Pour lui, il se relâche entre les doigts et s’essuie dans sa djellaba…
    Le Khammès sort, emportant le plat et la boîte. Le silence retombe. Un rat, hardi, traverse la pièce. Un temps passe.
     Le Khammès revient, apportant une théière et deux petits verres. Il s’assoit à côté de BOUCHTA, emplit les deux verres et tend l’un à son compagnon. Tous deux tiennent le verre chaud au creux de la main, et de temps à autre aspirent, du bout de lèvres, à grand bruit et à petites gorgées, le liquide brûlant, sirupeux. C’est du mauvais thé rougeâtre, mêlé de poussière et de débris, qui sent la camomille vieillie. Ils s’en délectent et le hument avec bonheur.
    _ Beau temps, dit le Khammès. Il a bien plu en hiver. S’il plaît à ALLAH, nous aurons une bonne récolte.
    Les trois verres de thé et la digestion commencent à échauffer BOUCHTA. Il énonce ce dicton :
    _ « Si la terre est abreuvée pendant l’ILALI, il y aura de la paille. Si elle est abreuvée en mars, il y aura du grain. »



                                     PIERSUIS

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