samedi 5 mai 2012

LA LAMPE A PETROLE




     Il faisait déjà sombre quand j’arrivai à la maison… Ma mère alluma une énorme bougie fichée dans un chandelier de cuivre.
     Ce soir, la chambre de Fatma Bziouya Brillait d’un éclat inaccoutumé. Ma mère s’en aperçut. Sans quitter sa place, elle interpella notre voisine :
      Ma mère se leva, se dirigea vers la pièce d’en face. Je la suivis. Oh ! Merveille ! Au centre du mur, une lampe à pétrole était accrochée. Une flamme blanche et paisible dansait imperceptiblement dans un verre en forme de clarinette. Une glace, placée derrière, intensifiait la lumière. Nous étions, ma mère et moi, complètement éblouis. Ma mère dit enfin :
    _ Ta lampe éclaire bien. N’y a-t-il pad de danger d’explosion ? Des risques d’incendie ? On dit aussi que le pétrole sent mauvais.
Fatma risqua timidement :
_ Je ne crois pas qu’il y ait de danger. Plusieurs personnes de quartier se servent maintenant de ces lampes. Elles en paraissent très satisfaites. Vous devriez en acheter une, la chambre paraît plus accueillante et plus gaie.
    _ Oui, répondit ma mère en allongeant les lèvres, une lampe, certes, éclaire mieux qu’une bougie mais elle est moins jolie qu’un chandelier de cuivre…
       Elle me prit par la main, me ramena chez nous. Elle ne dit plus rien jusqu’à l’arrivée de papa. Elle prépara le dîner comme à l’ordinaire, disposa la petite table ronde, rassembla à portée de sa main les accessoires pour le thé.
      Lorsque mon père franchit le seuil de la chambre, je me précipitai pour l’accueillir…
      Le dîner était délicieux, un mets que je préférais entre tous : des pieds de mouton aux pis chiches. Nous mangeâmes copieusement. La table débarrassée, ma mère nous servit le thé à la menthe et parla des menus événements de la journée. Mon père sirotait son thé et répondait rarement. La lumière baissa une seconde, ma mère moucha la bougie avec une paire de ciseaux rouillés. Elle en profita pour déclarer que les bougies devenaient de moindre qualité, qu’il en fallait une tous les trois jours et que la pièce paraissait lugubre avec toutes ces ombres qui s’amassaient dans les angles.
     _ Tous les gens « bien » s’éclairent au pétrole, dit-elle pour conclure.
     Ces propres laissaient mon père dans une indifférence totale. Mes yeux brillaient de curiosité, j’attendais son verdict. J’admirais intérieurement l’habileté de ma mère. Je fus déçu. Sans commentaire, mon père se prépara pour dormir. Je gagnai mon lit. Je rêvai cette nuit d’une belle flamme blanche…
     Le lendemain, à mon retour du MSID pour le déjeuner, je sautai de joie et de surprise lorsque je découvris, accrochée au mur de notre chambre, bien au centre, une lampe à pétrole identique à celle de notre voisine.
      Le matin, Driss, en venant chercher le couffin pour les provisions, l’avait tendue à ma mère. Il avait fait emplette en outre d’une bouteille de pétrole et d’un entonnoir…
Ma mère rayonnait de bonheur…


                                       AHMED SEFRIOUI

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