Il faisait déjà
sombre quand j’arrivai à la maison… Ma mère alluma une énorme bougie fichée
dans un chandelier de cuivre.
Ce soir, la chambre
de Fatma Bziouya Brillait d’un éclat inaccoutumé. Ma mère s’en aperçut. Sans quitter
sa place, elle interpella notre voisine :
Ma mère se leva, se
dirigea vers la pièce d’en face. Je la suivis. Oh ! Merveille ! Au
centre du mur, une lampe à pétrole était accrochée. Une flamme blanche et
paisible dansait imperceptiblement dans un verre en forme de clarinette. Une glace,
placée derrière, intensifiait la lumière. Nous étions, ma mère et moi,
complètement éblouis. Ma mère dit enfin :
_ Ta lampe éclaire
bien. N’y a-t-il pad de danger d’explosion ? Des risques d’incendie ?
On dit aussi que le pétrole sent mauvais.
Fatma risqua
timidement :
_ Je ne crois pas qu’il
y ait de danger. Plusieurs personnes de quartier se servent maintenant de ces
lampes. Elles en paraissent très satisfaites. Vous devriez en acheter une, la
chambre paraît plus accueillante et plus gaie.
_ Oui, répondit ma
mère en allongeant les lèvres, une lampe, certes, éclaire mieux qu’une bougie
mais elle est moins jolie qu’un chandelier de cuivre…
Elle me prit par la
main, me ramena chez nous. Elle ne dit plus rien jusqu’à l’arrivée de papa. Elle
prépara le dîner comme à l’ordinaire, disposa la petite table ronde, rassembla
à portée de sa main les accessoires pour le thé.
Lorsque mon père
franchit le seuil de la chambre, je me précipitai pour l’accueillir…
Le dîner était
délicieux, un mets que je préférais entre tous : des pieds de mouton aux
pis chiches. Nous mangeâmes copieusement. La table débarrassée, ma mère nous
servit le thé à la menthe et parla des menus événements de la journée. Mon père
sirotait son thé et répondait rarement. La lumière baissa une seconde, ma mère
moucha la bougie avec une paire de ciseaux rouillés. Elle en profita pour déclarer
que les bougies devenaient de moindre qualité, qu’il en fallait une tous les
trois jours et que la pièce paraissait lugubre avec toutes ces ombres qui s’amassaient
dans les angles.
_ Tous les gens « bien »
s’éclairent au pétrole, dit-elle pour conclure.
Ces propres laissaient
mon père dans une indifférence totale. Mes yeux brillaient de curiosité, j’attendais
son verdict. J’admirais intérieurement l’habileté de ma mère. Je fus déçu. Sans
commentaire, mon père se prépara pour dormir. Je gagnai mon lit. Je rêvai cette
nuit d’une belle flamme blanche…
Le lendemain, à mon
retour du MSID pour le déjeuner, je sautai de joie et de surprise lorsque je
découvris, accrochée au mur de notre chambre, bien au centre, une lampe à
pétrole identique à celle de notre voisine.
Le matin, Driss, en
venant chercher le couffin pour les provisions, l’avait tendue à ma mère. Il avait
fait emplette en outre d’une bouteille de pétrole et d’un entonnoir…
Ma mère rayonnait de
bonheur…
AHMED SEFRIOUI
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