vendredi 4 mai 2012

LE REPAS CHEZ LE PACHA



    Sous la tente du pacha, le repas nous attend. Un repas arabe… Dix plats s’alignent sur le tapis, dans des bassins de cuivre remplis d’une eau bouillante et recouverts des capuchons de sparterie noire et rouge, où se cache le mystère d’une cuisine originale et savante : viandes cuites et recuites, mijotées pendant des journées et que l’odeur des fruits pénètre, gâteaux et pates feuilletées sur lesquels se sont posés, durant des heures et des heures, les yeux blancs des négresses tournant autour des petits feux de braise dans les cuisines invisibles…
    Pour table, un grand plateau de cuivre, pour chaises, des coussins ; pour se servir, les doigts… C’est une charmante douleur d’aller chercher sur la carcasse le blanc de poulet qui se détache et de l’offrir plus agréable encore de recevoir des ces doigts malhabiles un morceau de mouton sur lequel un œuf est posé comme une large pièce d’or…
    Pendant que les plats se succèdent sur le plateau de cuivre, un violon, une guitare et un tambourin à sonnettes jouent des airs d’Andalousie… Tout à l’heure, visible encore par la porte de la tente, la lune a monté dans le ciel et ne laisse plus voir que la nuit qu’elle illumine et les reflets de sa clarté sur les mendiants, qui attendent dehors la fin de notre repas pour s’en partager les restes…
    Les repas sont achevés sous les tentes. Il en est de silencieuses, où les gens étendus sur les coussins se reposent, causent doucement, cependant qu’un serviteur prépare les tasses de thé et les distribue à la ronde… Il y en a d’autres qui ressemblent à une véritable mosquée, où tous les hôtes, réunis autour des chandeliers de cuivre, récitent des litanies…
    Mais la plupart de ces maisons de toile sont des chambres de musique, des pavillons de poésie. Partout la guitare appelle, le violon gémit, le tambourin se démène…
L’Andalousie refleurit sur ces tapis étendus dans le sable.

                            Jérome et Jaen Tharaud

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