De nos jours
On enregistre une évolution notable des mœurs, tant familiales que scolaires ou judiciaires, vers un adoucissement progressif, mais de façon irrégulière selon les périodes et les pays. Certaines cultures manifestant, encore maintenant, un attachement beaucoup plus fort que d'autres à des normes éducatives violentes. Ces cultures sont celles qui prônent l'asservissement de certains par d'autres, dans des régimes totalitaires ou dictatoriaux qui ont en commun de maintenir un pouvoir discrétionnaire sur les femmes, les enfants et les employés (surtout s'ils sont femmes ou enfants).
En France, il n'est sans doute pas étonnant de trouver en 1943, dans la revue « Les dossiers de l'éducateur », un « art de punir » ainsi libellé : « certaines punitions physiques sont interdites par les règlements scolaires, c'est à tort ... bourrades ou taloches ... raclées ... nous ne voyons pas d'autres moyens de guérir les enfants sensuels et vicieux » (8). Et dès 1941, le « Manuel du Père de Famille », du vice-amiral de Penfentanyo, préfacé par le Maréchal Pétain, donnait les conseils suivants « si vous vous laissez apitoyer... dès la première nuit, vous êtes perdu... ne jamais céder au moindre caprice » et plus loin « si tu dois donner le fouet à Louis, exige qu'il se déculotte lui-même » (9).
Actuellement, une enquête SOFRES faite en janvier 1999 pour « Éduquer sans frapper », montre que seulement 12,5 % des personnes interrogées ayant des enfants ne leur donnent jamais de coups, alors que 33 % en donnent rarement, et que 54,5 % en donnent plus souvent. Les plus âgés et les moins diplômés des enquêtés ont été les plus battus dans leur enfance. Ces moins diplômés utilisent à leur tour plus fréquemment les châtiments physiques que les autres parents puisque 45 % des « sans diplôme » fessent leurs enfants « de temps en temps ou souvent », contre 40 % des possesseurs du certificat d'études, 28 % des CAP, BEP, BEPC, 24 % des BAC et 19 % des diplômés de l'enseignement supérieur. Les femmes avouent battre leurs enfants « plus que rarement » pour 35 % d'entre elles, contre 22 % des hommes.
Cependant, si l'on parcourt les rayons consacrés à l'éducation des enfants dans nos grandes librairies modernes, on ne trouve pas un seul auteur pour vanter les avantages des punitions corporelles, et pourtant, il semble que plus de 3 petits français sur 4 les subissent.
Se saisissant du problème, la Suède prenait sur tous les autres pays une bonne longueur d'avance en votant, en 1979, une loi qui interdisait les châtiments corporels (10) : cette position n'était soutenue en 1965 que par 53 % des Suédois ; en 1995, 89 % y étaient favorables (96 % chez les moins de 35 ans). Cette loi suédoise a depuis servi de modèle à plusieurs pays qui l'ont fait voter chez eux (Autriche, Danemark, Finlande, Norvège, Croatie, Chypre, Lettonie) ou sont en passe de le faire (Allemagne, Canada, Irlande, Nouvelle-Zélande, Pologne, Suisse, Belgique, Espagne).
Cette loi s'énonce ainsi "Les enfants ont droit à protection, sécurité et éducation. Les enfants doivent être traités avec respect pour leur personne et leur individualité et ne doivent pas être soumis à des punitions corporelles ou à des traitements humiliants."
En 1979, en même temps que la loi était promulguée, le Ministère de la Justice suédois finançait très largement une campagne d'information à la télévision et sur les autres médias. Une brochure intitulée "Pouvez-vous élever vos enfants avec succès sans gifle ni fessée ?" était largement distribuée tandis que des affiches étaient placardées un peu partout. Des cours gratuits de recyclage étaient en même temps organisés pour les parents.
Un travail effectué récemment par un sociologue canadien montre que, contrairement à ce que les pessimistes promettaient, des points fortement positifs ont été constatés depuis la promulgation de la loi anti-fessée. En Suède, aucun enfant n'est plus mort de suite de violence familiale, le nombre de procès pour violence contre les enfants a diminué, de même que le nombre d'enfants enlevés à leurs parents suite à une intervention des services sociaux : entre 1982 et 1995, les « mesures obligatoires » administrées chaque année ont diminué de 46 % et les « placements en foyer » de 26 % (11).
Par ailleurs, un criminologue qui étudie les tendances de la délinquance juvénile en Europe depuis la guerre déclare : « les études sur les rapports provenant du Danemark et de la Suède indiquent que les jeunes d'aujourd'hui sont plus disciplinés que les jeunes des années 1970... le pourcentage de jeunes de 15 à 17 ans condamnés pour vol a diminué de 21 % entre 1975 et 1996... le pourcentage de jeunes qui consomment de l'alcool ou qui ont goûté à la drogue a également diminué régulièrement depuis 1971... le pourcentage de suicides chez les jeunes et celui des jeunes condamnés pour viol ont aussi diminué entre 1970 et 1996 » (12).
Les années 2.001-2010 ont été déclarées par l'ONU « décennie pour une culture de la paix et de la non-violence pour les enfants du monde » : il serait bon de commencer par appliquer la consigne en famille et de promulguer en France, en cette année 2.000, la loi qui montrerait la manière française d'aborder le troisième millénaire.
Car nous venons de voir que la violence n'est pas la manifestation de groupes humains génétiquement marqués, mais qu'elle semble très souvent induite par les sociétés elles-mêmes lorsque celles-ci donnent l'exemple aux familles de l'autoritarisme, du despotisme, et fondent leur pouvoir sur la violence. Le modèle suédois nous montre que les positions inverses prises au plus haut niveau font évoluer les mœurs de façon très encourageante.
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