vendredi 12 février 2010

Arguments contre les punitions corporelles

de nombreux travaux se sont échelonnés, surtout depuis 1975, dans divers pays, pour évaluer les conséquences des punitions corporelles. Émanant essentiellement de psychologues, de sociologues et de médecins, les conclusions se rejoignent pour montrer que ces punitions n'ont d'efficacité qu'à court terme et sur des actions très ponctuelles, alors que leur nocivité s'avère indiscutable.

Les punitions corporelles sont inefficaces

La prestigieuse revue des médecins pédiatres américains « Pédiatrics » faisait en 1998 le point sur l'ensemble des travaux publiés sur l'utilisation des punitions corporelles à l'école. Presque la moitié des États ne les avait pas encore interdites. Elle confirmait que les fessées sont inefficaces à l'école, et que leur sParallèlement, les Drs Bauman et Friedman, après avoir fait une revue générale de la littérature scientifique, disent que les médecins doivent envisager avec les parents les façons de punir leurs enfants et conseillent d'abandonner la fessée « dangereuse, inefficace et abusive » .

Et Robert Lazarlere, analysant 166 articles médicaux publiés sur les punitions corporelles, conclut que les analyses prospectives ou rétrospectives (donc rigoureuses) ne montrent aucun résultat positif de leur utilisation. Seules des études cliniques peu fiables montrent des résultats positifs, et seulement à court terme .
Les punitions corporelles sont nocives

Ashley Montagu, ethnologue, notait déjà il y a 50 ans que les sociétés relativement non-violentes avaient en commun l'éducation non-violente de leurs enfants, sans châtiments corporels .

Depuis, les travaux de recherche se sont multipliés sur ce sujet, surtout dans les dernières années et dans des pays de plus en plus divers. Ils font apparaître des relations insoupçonnées auparavant entre l'utilisation des punitions corporelles et l'exacerbation de la plupart des comportements antisociaux : délinquance, accidents, agressivité, mensonges, vols, dépressions, tentatives de suicide, abus d'alcool, actes d'agression sexuelle envers les enfants, violence conjugale, homicides...

En voici quelques preuves :

Relations entre punitions corporelles et délinquance

On entend couramment dire que la délinquance serait en rapport avec l'éducation post-soixante-huitarde qui fait des enfants trop « gâtés », le divorce des parents ou leurs problèmes financiers. Or, Sakuta, au Japon, étudiant en 1994 des délinquants de 14 à 16 ans, découvre que 70 % d'entre eux vivaient avec leurs deux parents et 90 % dans des familles financièrement stables. Mais 30,3 % étaient considérés comme « élevés sévèrement » et seulement 17,3 % comme « gâtés » .

Un grand nombre d'études différentes, utilisant des méthodes différentes, mettent en évidence des relations entre les comportements anti-sociaux des jeunes et les punitions corporelles infligées par leurs parents .Plus celles-ci sont utilisées et plus le risque de délinquance des enfants augmente. Le pourcentage de crimes commis est doublé chez les fils ayant reçu de fortes punitions corporelles de leur père .

Relations entre punitions corporelles, accidents et maladies

En France, le Dr Jacqueline Cornet, effectuant en 1995 une recherche sur 300 jeunes accidentés de la route, a mis en évidence une relation très forte entre la force, la fréquence et la durée des coups reçus en famille à titre éducatif et le nombre des accidents subis dans l'enfance et l'adolescence. La différence est déjà notable entre les enfants jamais battus et ceux qui n'ont reçu que des coups « légers et rares ». La gravité des accidents est aussi en relation avec l'importance des coups reçus, et les plus souvent battus sont aussi les plus gravement malades. De plus, les parents qui battent sont ceux qui ont été battus dans leur enfance, et ils se retrouvent plus nombreux lorsqu'ils ont été élevés dans des pays gouvernés par des régimes despotiques : un véritable cercle vicieux de la violence semble ainsi se mettre en place .

Odile Bourguignon avait déjà montré une violence éducative multipliée par trois dans les familles où un enfant avait été victime d'un accident mortel .

Relations entre punitions corporelles et troubles du comportement

Toujours en France, Suzanne Robert-Ouvray travaille sur les liens entre le corps et le psychisme de l'enfant. Elle précise que le cervelet, qui permet à l'enfant de récupérer très vite ses coordinations psychomotrices après une violence, n'est mature que vers 3 ans. Avant cette période, tout bouleverse l'enfant, les cris, les coups, les bousculades. Ses idées, ses débuts de logique, ses raisonnements sont alors secoués comme dans un gobelet. L'enfant tétanisé dans son corps est sidéré dans sa pensée. À l'âge adulte, ce processus de sidération se réactivera à la moindre violence. L'enfant battu devient un adulte qui a des difficultés à mettre en cohérence ses pensées et ses actions musculaires .

Et le Dr Marie Choquet, chercheuse au CNRS, qui dirigeait en 1994 une étude portant sur plus de 12.000 jeunes, note que « les filles, mais surtout les garçons, qui ont été victimes de violences sont eux-mêmes plus violents que ceux qui n'ont pas subit ces atteintes... lorsqu'un jeune manifeste une grande violence, il faut rechercher les antécédents de violence subie... on a constaté une forte liaison entre toutes les formes de violence (sur soi, sur autrui et subie) » .

Aux États Unis, Eron, dès 1960, montrait déjà que les enfants les plus sévèrement punis par leurs parents étaient les plus agressifs à l'école .Muller, en 1995, interrogeant 953 étudiants et leurs parents (séparément), sur leurs comportements plus ou moins agressifs, note que le rôle de l'éducation pour expliquer les comportements agressifs des étudiants paraît beaucoup plus en rapport avec les faits que le rôle de la génétique .

Brenner découvre de son côté que les adeptes des punitions corporelles déplorent chez leurs enfants des problèmes de comportement qui sont de 20 % plus élevés que chez les parents qui ne les utilisent pas ..Dans un groupe de 52 mères, interrogées sur leurs façons d'agir et celles de leurs enfants, les problèmes de comportement des enfants apparaissent significativement en relation avec les cris et les coups utilisés comme méthode de discipline .

Murray Straus va alors prouver, chez 933 mères d'enfants de 2 à 14 ans, que plus les punitions corporelles sont utilisées et plus les enfants s'engagent dans des conduites et des actes impulsifs .Chez 807 mères d'enfants de 6 à 9 ans, il note que plus elles utilisent la fessée pour corriger des conduites anti-sociales telles que mensonges, agressivité et vols, plus ces conduites sont élevées. Quand les parents n'utilisent plus les punitions corporelles et les remplacent par d'autres modes de discipline, les conduites anti-sociales diminuent .

Les punitions corporelles sont encore utilisées à l'adolescence à l'encontre d'un jeune américain sur deux : chez ces enfants longtemps battus, Murray Straus trouve à l'âge adulte un risque accru de dépression, de tentative de suicide, d'abus d'alcool, d'actes d'agression sexuelle et de violence envers le conjoint .

Alors qu'Edfeldt démontre en Suède comment avoir reçu des fessées augmente la probabilité d'avoir une dépression (28). Et que Mc Cord aux USA décèle que plus les enfants reçoivent de punitions corporelles, plus ils sont égoïstes et moins ils ont de considération pour les autres .

En Australie, en 1990, le National Comitee of Violence, faisant un rapport sur les causes de la violence agie, note en premier lieu la violence familiale. En Allemagne, Schurid et ses collaborateurs démontrent que la prévention de la violence passe, entre autre, par la prévention de la violence familiale. Et le Comité de Los Angeles pour la prévention de la délinquance arrive lui aussi à la même conclusion.

Cependant, beaucoup de gens disent « j'ai été battu et je suis O.K. ». Parce que lorsque les mauvais effets des punitions corporelles se manifestent (dépression, violence, délinquance ...), ils ne sont presque jamais rattachés aux coups reçus dans l'enfance.

Le Web présente par ailleurs des témoignages de personnes accrochées à des pratiques sado-masochistes et qui racontent comment elles les font remonter aux troubles engendrés par certaines fessées « déculotté » subies dans l'enfance...

Relations entre punitions corporelles et homicides

Les punitions corporelles sont censées punir un comportement déplaisant, mais l'homicide aussi dans les 2/3 des cas. Les coups sont administrés, comme l'homicide, dans un contexte d'impulsivité et de colère qui est donc donné comme modèle à l'enfant que l'on punit ainsi. Or le suédois Edfeldt vient d'établir, dans 10 pays européens, un parallèle entre l'approbation de la fessée par les parents (et les enseignants) et le taux d'homicides et d'infanticides .

On note aux USA trois fois plus d'homicides par 100.000 habitants qu'au Canada et huit fois plus qu'en Europe. Mais seulement deux états sur cinquante interdisaient les punitions corporelles à l'école en 1976. Si vingt-six nouveaux états ont peu à peu suivi la même voie, en 1996, vingt-trois résistaient encore. Or on note des taux de violences et d'homicides plus forts dans les états pérennisants les châtiments corporels à l'école... qui sont d'ailleurs les mêmes que ceux qui possèdent le plus grand nombre d'armes individuelles ! .Ces données prêtent fortement à réflexion sur les causes de la violence qui s'exprime aux U.S.A.

La relation entre violence dans l'éducation et recours à l'homicide est par ailleurs démontrée, à une beaucoup plus grande échelle, quand on examine la biographie des despotes dont la paranoïa meurtrière a endeuillé le XXe siècle : Hitler, Staline, Céaucescu, Mao Tse Toung. Les ouvrages d'Alice Miller décrivent les violences dont ils avaient été eux-mêmes victimes dans leur enfance de la part de leurs parents et éducateurs. Ils montrent aussi comment la violence faisait partie intégrante et quasiment exclusive du système éducatif familial prôné dans certaines dictatures (30). Les écrits du Dr Schreber enseignaient en Allemagne au XIXe siècle comment, par des punitions corporelles données « même à l'âge le plus tendre », devenir « maître de l'enfant pour toujours » . L'écrivain Thomas Bernhard raconte à quel point, en Autriche, ce type d'éducation était mis en pratique et combien il en avait souffert .

Les punitions corporelles sont de plus en plus contestées

aux plus hauts niveaux

13 Professeurs de Pédiatrie américains ayant travaillé sur les effets des punitions corporelles et réunis en Congrès en 1996 étaient tous d'accord pour affirmer que plus durement, plus fréquemment et plus longtemps ces punitions sont utilisées et plus l'enfant développera des conduites agressives et anti-sociales comme adolescent ou adulte.

L'Académie américaine de Pédiatrie prend position en 1998 pour affirmer que les punitions corporelles sont d'efficacité limitée et sont potentiellement délétères. Elle recommande d'aider les parents à développer des méthodes éducatives autres que la fessée.

La Société canadienne de Pédiatrie, qui représente 2.000 pédiatres canadiens, déconseille le recours aux punitions corporelles et insiste sur le fait que « les châtiments corporels aux nourrissons et aux adolescents sont tout particulièrement néfastes » .

L'Eglise anglicane d'Australie met en garde contre la validité du proverbe « spare the rod and spoil the child », compte tenu des effets négatifs des punitions corporelles sur la violence et la délinquance des jeunes .
uppression n'augmente pas les mauvaises conduites.

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