vendredi 6 juillet 2012

Maman



     Maman, c’est à douze ans que j’ai commencé à te comprendre… C’est à douze ans que j’ai commencé à te voir
Maman, tu es toute petite, tu portes un bonnet blanc, un corsage noir et un tablier bleu. Tu marches dans notre maison, tu ranges le ménage, tu fais la cuisine et tu es maman. Tu te lève le matin pour balayer, et puis tu prépares la soupe, et puis tu viens m’éveiller. J’entends tes pas sur les marches de l’escalier. C’est le jour qui arrive avec l’école, et je ne suis pas content. Mais tu ouvres la porte : c’est maman qui vient avec du courage et de la bonté. Tu m’embrasses, et je passe les bras autour de ton cou et je t’embrasse… Tu es une bonne divinité qui chasse la paresse. Tu entre ouvres la fenêtre, et l’air et le soleil, c’est toi, et tu es encore le matin et le travail.
       Maman tu es travailleuse. Le travail de mon père est celui qui nous donne la vie et ton travail consiste à l’ordonner. Tu veux que rien ne manque, et tout ton corps, et tes mains et tes cheveux et tes jambes s’occupent à ce soin, et je sens que tu en as fait les serviteurs de notre vie…
        Il y a la vaisselle, il y a le ménage, il y a la cuisine. Il y a le puis plein d’eau que tu puises, il y a le balai et la lessive. Il y a les commissions chez l’épicier, chez le boucher et chez tous les marchands. Il y a le raccommodage et la confection. Ce sont des travaux simples qui s’étendent devant ta regards le suivants et tu pars où il te conduit, docile et calme…
        Maman, lorsque tu es assise à la fenêtre, tu couds et tu penses. Je sais bien à quoi tu penses… Tu penses à la chemise que tu couds, à un gilet, à un pantalon ou à la soupe du soir. Tu te dis : «  Il va falloir à cinq heures que je coupe mon oseille pour faire de la soupe à l’oseille. » Tu écoutes mon père qui fait ses sabots…
       Tu penses à hier, à aujourd’hui, à demain…
      Mais surtout tu penses à moi. Tu veux vivre, non pas tant pour me voir grandir que pour m’aider à cela. Ton cœur est plein de forces et tu veux toutes les employer… Alors, maman, tu n’es plus une simple femme qui coud et qui pense, tu es ma mère d’un enfant de douze ans, tu te recueilles, toi qui prépares un homme.

                                                                                                                                                                                        Charles-Louis Philippe

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire