Le printemps revint avec sa joie coutumière quand on
commença à parler de la taoula sur les souks.
Une fièvre, oui, mais laquelle ?... Il y a celle des
marécages, qui revient de deux en deux jours. Il y a la tmissi qui vous couvre
de boutons et vous laisse marqué comme une terre molle après la grêle. Il y a aussi
la fièvre du ventre, à l’époque des pastèques ; des yeux, à l’époque des
grenades ; de la tête enfin, qui s’attaque aux enfants et dont ile ne
guérissent pas.
De celle-ci non plus on ne guérissait pas, et ce n’était pas
seulement à l’enfance qu’elle ouvrait ses bras brûlants !... Elle
accourait le long de la vallée du M’Goun, laissant des morts derrière son
passage, élargissant les cimetières, vidant les maisons qui aux prochaines
pluies fondraient, retourneraient en terre molle comme leurs maîtres trépassés.
De sommet des nouvelles, et ceux qui entendaient retournaient vers les Ksour
encoure indemnes, avec un fardeau de tristes pensées.
Un village voisin soupçonna les chameliers du bas-pays de
lui avoir apporté l’épidémie, et le calma au ciel par le gosier de bronze de
ses bergers. Alors les fondouks alertés fermèrent. Leurs portes, et les
caravanes qui se présentèrent furent accueillies à coups de pierres par les
fellahs furieux…
Malgré sa défense vigilante et les plus sévères précautions,
le Ksar et les grappes de maisons rougeâtres qui se suspendaient au-dessus de l’asif,
furent, à leur tour, contaminés. On commença à enterrer des morts… des vieillards
et des jeunes gens vigoureux ; de petits enfants qui jouaient encore la
veille ; des femmes.
En même temps que l’épidémie, une chaleur atroce, une sécheresse
sans précédent s’abattaient sur le pays.
Dans le lit tari du torrent, il ne subsista bientôt plus que
des flaques vertes… dans lesquelles on puisait quand même afin d’économiser les
citernes dont le niveau baissait, baissait…
…. Dans le village où stagnait une odeur de fièvre et de bête
morte, les gens valides allaient d’un titubant sur la terre maigre et
crevassée.
Marie Barrère-Affre
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