vendredi 6 juillet 2012

L’EPIDEMIE



     Le printemps revint avec sa joie coutumière quand on commença à parler de la taoula sur les souks.
Une fièvre, oui, mais laquelle ?... Il y a celle des marécages, qui revient de deux en deux jours. Il y a la tmissi qui vous couvre de boutons et vous laisse marqué comme une terre molle après la grêle. Il y a aussi la fièvre du ventre, à l’époque des pastèques ; des yeux, à l’époque des grenades ; de la tête enfin, qui s’attaque aux enfants et dont ile ne guérissent pas.
    De celle-ci non plus on ne guérissait pas, et ce n’était pas seulement à l’enfance qu’elle ouvrait ses bras brûlants !... Elle accourait le long de la vallée du M’Goun, laissant des morts derrière son passage, élargissant les cimetières, vidant les maisons qui aux prochaines pluies fondraient, retourneraient en terre molle comme leurs maîtres trépassés. De sommet des nouvelles, et ceux qui entendaient retournaient vers les Ksour encoure indemnes, avec un fardeau de tristes pensées.
    Un village voisin soupçonna les chameliers du bas-pays de lui avoir apporté l’épidémie, et le calma au ciel par le gosier de bronze de ses bergers. Alors les fondouks alertés fermèrent. Leurs portes, et les caravanes qui se présentèrent furent accueillies à coups de pierres par les fellahs furieux…
     Malgré sa défense vigilante et les plus sévères précautions, le Ksar et les grappes de maisons rougeâtres qui se suspendaient au-dessus de l’asif, furent, à leur tour, contaminés. On commença à enterrer des morts… des vieillards et des jeunes gens vigoureux ; de petits enfants qui jouaient encore la veille ; des femmes.
En même temps que l’épidémie, une chaleur atroce, une sécheresse sans précédent s’abattaient sur le pays.
    Dans le lit tari du torrent, il ne subsista bientôt plus que des flaques vertes… dans lesquelles on puisait quand même afin d’économiser les citernes dont le niveau baissait, baissait…
…. Dans le village où stagnait une odeur de fièvre et de bête morte, les gens valides allaient d’un titubant sur la terre maigre et crevassée.
       
                                          Marie Barrère-Affre

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