C’était
un matin d’octobre. Un ciel tourmenté de gros nuages gris limitait l’horizon
aux collines prochaines et rendait la campagne mélancolique. Les pruniers
étaient nus, les pommiers étaient jaunes, large et lent d’abord, qui s’accentuait
d’un seul coup comme un plongeon d’épervier dès que l’angle de la chute
devenait moins obtus. L’air était humide et tiède. Des ondes de vent couraient
par intervalles…
L’été
venait de finir et l’automne naissait.
Il pouvait
être huit heures du matin. Le soleil rôdait triste derrière les nues, et de l’angoisse,
une angoisse imprécise et vague, pesait sur le village et sur la campagne.
Les travaux
des champs étaient achevés et, un à un, ou par petits groupes, depuis deux ou
trois semaines, on voyait revenir à l’école les petits bergers à la peau tannée,
bronzée de soleil, aux cheveux raides coupés ras à la tondeuse (la même qui
servait pour les bœufs).
Ce
jour-là, ils traînaient le long des chemins et leurs pas semblaient alourdis de
toute la mélancolie du temps, de la saison et du paysage.
Quelques-uns
cependant, les grands, étaient déjà dans la cour de l’école et discutaient avec
animation. Le père Simon, le maître, sa calotte en arrière et ses lunettes sur
le front, dominant les yeux, était installé devant la porte qui donnait sur la
rue. Il surveillait l’entrée, gourmandant les traînards, et, au fur et à mesure
de leur arrivée, les petits garçons soulevant leur casquette, passaient devant
lui, traversaient le couloir et se répandaient dans la cour.
Les deux
Gibus du vernois et boulot, qui les avait rejoints en cours de route, n’avaient
pas l’air d’être imprégnés de cette mélancolie douce qui rendait traînassant
les pas de leurs camarades.
Ils avaient
au moins cinq minutes d’avance sur les autres jours et le père Simon, en les
voyants arriver, tira précipitamment sa montre qu’il porta ensuite à son
oreille pour s’assurer qu’elle marchait bien et qu’il n’avait point laissé
passer l’heure réglementaire.
LOUIS
PERGAUD
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